L’homme du bois

 

«  J’ai grandi dans les forêts Haut-Marnaises, à observer la nature, la faune, à rêver, à construire des cabanes… »1.

 

«  Pourtant, les mouvements marginaux d’aujourd'hui représentent peut-être les solutions du futur… La seule solution reste celle des petits groupes »2.

 

      Pour David Magnou, le bois est un matériau privilégié, mais aussi le vecteur d’une démarche artistique, fondée sur une poétique de l’espace habité. Si l’usage de ce médium n’est pas exclusif dans sa pratique, il en constitue souvent l’élément principal. Depuis son cursus d’études supérieures en art3, entrepris après une formation en menuiserie et en construction, puis en communication visuelle, les projets artistiques de David Magnou engagent une exploration technique des matériaux et se développent selon trois modalités convergentes et complémentaires : l’investigation in-situ de l’espace, la coprésence de l’artiste et du public et la place accordée à l’habitat et au lieu de vie. 

  

      Dans les projets de David Magnou, l’habitacle (la cabane) est une thématique centrale, pouvant faire écho aux projets d’artistes « constructeurs », de Tadashi Kawamata à Cédric Bomford. Comme ces prédécesseurs David Magnou propose des habitats non permanents, des lieux d’expérimentation dans lesquels les conditions de vie restent à établir. Pour autant, ces micro-architectures s’affirment davantage comme des lieux de vie que comme des espaces publics à usage spécifique. Dans ses œuvres, l’artiste fait en effet l’expérience de l’espace qu’il construit « sur mesure », par rapport à sa propre échelle, puis, en lien avec celle du site investi. «Je ne fais pas trop de distinction entre un architecte, un artiste et un sculpteur» explique David Magnou qui se réfère plus volontiers aux formes d’habitations expérimentales d’Hans Walter Muller qu’aux pratiques actuelles de la sculpture monumentale. 

 

      Pour la Biennale d’art contemporain de Saint-Flour, David Magnou propose un nouvel espace de réflexion, un nouveau point de vue de la terrasse des roches, derrière l’office de tourisme, en y installant un hourd4. La fragilité d’une telle construction questionne la pérennité et la stabilité de l’édifice monumental. Contrairement aux pierres qui résistent, le bois est le témoin de ce qui a disparu. La fragilité de l’habitacle s’oppose à la durée de l’architecture et du bâti traditionnel. Malgré cette dimension éphémère de la structure, la proposition artistique de David Magnou intègre plusieurs moments qui se répondent et se développent de façon concomitante : la conception, perceptible dans les dessins, la construction, visible et rendue publique, l’exposition, qui inclue la présence de l’artiste-habitant et enfin la médiation avec le public qui instaure une dynamique d’échange, des premiers contacts jusqu’aux ateliers de pratique que l’artiste met en oeuvre. 

 

      Ainsi, le projet artistique s’élargi et s’ouvre à des situations et des expériences réelles d’interaction et de participation, mais intègre également le processus de recherche dont les dessins sont les vecteurs, témoins d’une volonté de se projeter dans un futur proche et vers « une utopie réalisable »5.

 

       Antoine Réguillon, Directeur de L’École nationale supérieure d’art de Bourges.

 

       Mai 2016. 

 

1 David Magnou, texte introductif à la biographie du site : https://www.davidmagnou.fr/biographie-biography/.

2 Yona Friedman, préface à Utopies réalistes, Éclats, 2000.

3 David Magnou est diplômé de l’ENSA Bourges. 

4 Hourd : Echafaud ferme de planche, appliqué à l’architecture militaire. Ouvrage en bois, dressé au sommet des courtines.

5 Yona Friedman, Utopies réalisables, l’Éclat, 2000.