Ci-dessus :
Installation de la photographie à la Cathédrale Saint-Pierre de Saint-Flour pour la biennale d'art contemporain Chemin d'art en 2016.
David Magnou : faire avec de l’espace, du risque, de l’art
« Faire avec de l’espace » et non seulement « dans » l’espace est une formulation empruntée au géographe Mathis Stock, qui relie habitat contemporain et mobilité des individus. Une sorte de spéciale dédicace à David Magnou, impliqué dans un rapport très physique aux espaces comme performeur et sculpteur et qui s’est un temps intéressé aux habitats précaires et nomades. Le texte s’attache à la présentation d’un travail, « Divin rappel » – la partie pour le tout – et commence par un extrait de correspondance entre l’artiste et l’auteur.
« Il est 00h00, je me trouve au flanc Nord de la cathédrale, dans l’obscurité, précisément au pied de la palissade en bois qui protège l’accès à l’échafaudage qui structure le faux toit installé en avril 2010 pour protéger les ouvriers qui procèdent à la réfection de la toiture. Je peux commencer à installer les prises d’escalade que j’ai placées autour de mon baudrier à l’aide de petites cordelettes de chanvre, ainsi elles me sont à portée de mains ». Le plan Divin rappel consistait pour l’artiste à s’introduire par les combles dans la cathédrale Saint-Etienne de Bourges une nuit de juin 2012 pour descendre en rappel le long d’un pilier de la nef centrale. Nulle trace du passage sur le site, si ce n’est une signature dans la poussière, un croquis improvisé dans le recueil de prières. Absolue nécessité et plaisir -divin- de David Magnou à la mise en oeuvre et au passage à l’acte de situations à la limite (de l’intégrité physique, de la légalité voire de la moralité pour qui s’offusquerait de ce rappel areligieux)… et néanmoins maîtrisées (tout l’art de la grimpe – et non pas de la chute). Si les artistes Abraham Poincheval, Laurent Tixador (l’aventure, c’est l’atelier), Neal Beggs et Dan Shipsides (la pratique de l’escalade comme figure physique et métaphorique de l’exercice de l’art) ne sont pas loin… Le voyageur contemplant une mer de nuages (Caspar David Friedrich, 1818) non plus. Dans une version contemporaine : romantique iconoclaste.
Si l’emprise sur le réel passe pour David Magnou par des prises de risque, un corps à corps avec les espaces qu’il se choisit d’explorer, d’habiter – habiter comme être présent au monde -, si le geste premier de David Magnou, descendre en rappel une masse dressée par-delà les siècles (ici une cathédrale, ailleurs une montagne ?) déclenche le travail, l’oeuvre est ailleurs, dans l’acte mis en scène. Ainsi, une photographie unique, prise par un complice de David Magnou, Maxime Thoreau – instant t, cadrage et lumière prédéterminés par l’artiste (on devine D.M., minuscule silhouette noire en suspension, spéléologue comme grimpeur).
Exposé, Divin rappel est une installation, affichant l’ambition sculpturale de David Magnou. L’espace physique de l’oeuvre est en premier lieu déterminé par l’implantation de palissades de bois ancien en chêne massif provenant de l’ancienne toiture de la cathédrale. Et si le faisceau d’indices volontairement mis en place par l’artiste, attentif aux interrelations avec un spectateur informé ouvre sur une compréhension de son projet, Divin rappel est avant tout une formidable matière à fiction.
(N’est-ce pas l’homme araignée que l’on aperçoit ?).
Cécile Poblon, Directrice artistique du BBB centre d’art, Toulouse.
Catalogue de l’exposition Première, 18 ème édition : Publié en Janvier 2013.
Photographe : Quentin Ménard.